Les bandes nuageuses de Jupiter :
Ce qui accroche le plus l'oeil lors d'une observation de Jupiter
avec un télescope de 200 mm de diamètre, c'est l'alternance
de régions claires et de régions plus sombres, les
bandes, ainsi que la richesse des détails qui y résident

Ces bandes nuageuses sont situées à des latitudes
constantes dans l'atmosphère jovienne et ont été
décrites de façon très précise, comme
l'indique le schéma ci-dessous.

Schéma tiré du livre "Astronomie : le guide
de l'observateur", ouvrage collectif sous la direction de P.
Martinez
édité par la Société d'Astronomie Populaire
SPR |
South Polar Region : région polaire Sud |
SSTB |
South South Temperate Belt : bande tempérée
Sud Sud |
STZ |
South Temperate Zone : zone tempérée
Sud |
STB |
South Temperate Belt : bande tempérée
Sud |
RS (en anglais) ou TR (en français) |
Red Spot : grande tache rouge |
STrZ |
South Tropical Zone : zone tropicale Sud |
SEBN |
South Equatorial Belt (Northern component) : composante
Nord de la bande équatoriale Sud |
SEBS |
South Equatorial Belt (Southern component) : composante
Sud de la bande équatoriale Sud |
EZS |
Equatorial Zone (Southern component) : composante
Sud de la zone équatoriale |
EZN |
Equatorial Zone (Norhern component) : composante
Nord de la zone équatoriale |
EB |
Equatorial Belt : bande équatoriale |
NEBS |
North Equatorial Belt (Southern component) : composante
Sud de la bande équatoriale Nord |
NEBN |
North Equatorial Belt (Northern component) : composante
Nord de la bande équatoriale Nord |
NTrZ |
North Tropical Zone : zone tropicale Nord |
NTB |
North Temperate Belt : bande tempérée
Nord |
NTZ |
North Temperate Zone : zone tempérée
Nord |
NNTB |
North North temperate Belt : bande tempérée
Nord Nord |
NPR |
North Polar Region : région polaire Nord |
Outre ces bandes nuageuses, vous pouvez observer sans problème
la Grande Tache Rouge avec un télescope de 200 mm de diamètre.
Ce cyclone qui agite la haute atmosphère jovienne est de
dimensions phénoménales : 2 planètes équivalentes
à la Terre tiendraient à l'aise dans ce monstrueux
ouragan. Découvert en 1664 par Robert Hooke, la Grande Tache
Rouge semble diminuer de 0,19° tous les ans depuis plusieurs
décennies. De même, sa couleur rouge tend à
virer de plus en plus au beige et au ton crème : peut-être
la GTR (= Grande Tache Rouge) aura-t'elle totalement disparu dans
quelques années ?

Vous
trouverez dans les éphémérides des différentes revues d'astronomie, les
heures de passage de la Grande Tache Rouge au méridien central de
Jupiter, c'est à dire au méridien 0°, qui fait face à l'observateur
terrestre.


Exemple pour Février 2003, tiré des éphémérides
de la revue "Ciel et Espace"
Avec
un télescope d'au moins 180 mm de diamètre, vous devriez également
commencer à repérer au sein des bandes nuageuses des taches plus
claires, appelées WOS par les astronomes (=White Oval Spots).

Trois WOS / Photo NASA / Sonde spatiale Galileo
Depuis
2006, une deuxième tache rouge s'éveille sur Jupiter. Sa naissance
provient de la fusion progressive entre 1997 et 2000 de 3 WOS connus
depuis 1939 sous les noms de FA, DE et BC. Les deux derniers cyclones
ont commencé par fusionner entre septembre 1997 et juillet 1998. Puis
FA les a rejoints pour fusionner à son tour en septembre 2000, donnant
ainsi naissance à une grande tache blanche.

Photo NASA / JPL / Télescope spatial Hubble
Début
2006, cet ouragan géant a commencé à prendre une teinte rosâtre de plus
en plus prononcée. Ce changement de coloration serait dû à des
particules soufrées ou phosphorées en provenance des profondeurs
de l'atmosphère de Jupiter et qui, en remontant à la surface,
subiraient des réactions chimiques en raison de leur exposition aux
rayons UV du Soleil. Pour l'instant, la Tache Rouge Junior est grande
comme la moitié de la Grande Tache Rouge. Peut-être ces deux cyclones
géants finiront-ils par fusionner à leur tour, dans quelques dizaines
d'années ?

Les nuages joviens ont en moyenne une période de rotation
qui est caractéristique de la bande nuageuse à laquelle
ils appartiennent. Les astronomes ont remarqué qu'existent
deux catégories de nuages, qui dépendent de leur latitude.
Le système I comprend tous les nuages
situés entre 12° de latitude Sud et 12° de latitude
Nord : ils effectuent un tour complet autour de Jupiter en 9 h 50
mn 30 s. Tous les nuages situés de part et d'autre de ces
deux parallèles forment le système
II et circulent plus lentement autour de la planète :
9 h 55 mn 40.6 s. Ainsi, cette rotation différentielle entre
les différentes zones de nuages entraîne chaque jour
un décalage de 7.6° entre les nuages de la région
équatoriale (système I) et tous les autres nuages
(système II). La transition entre chaque système est
très brutale et génère des vents terriblement
violents qui effilochent les nuages

La GTR et les nodosités des bandes nuageuses sont de
bons repères pour observer la rotation de Jupiter sur
lui-même : pendant les longues nuits d'hiver, si vous
commencez vos observations à 6 heures du soir et que vous
les terminiez à 4 heures du matin, vous aurez assisté
à une rotation complète de la planète et vous aurez vu
défiler sous vos yeux toute la surface atmosphérique de
Jupiter comme sur l'animation ci-dessous, réalisée par
Bernard Bayle, un des pionniers de l'utilisation
des webcams en astronomie. Une animation
plus lourde, 598 Ko, a été également faite par Maurizio
Di Sciullio et est disponible ici : elle est absolument
époustouflante et justifie son temps de téléchargement
un peu plus long. |
 |

Mais vous n'êtes pas obligés d'attendre aussi longtemps
: 90 mn d'observation au télescope suffisent pour mettre
en évidence nettement la rotation de la planète Jupiter.
La localisation précise de la GTR et des différents
détails des bandes nuageuses de Jupiter se fait au moyen
d'une grille de méridiens :
L'observation des satellites de Jupiter
:
Jupiter n'est pas le dieu des dieux pour rien : son cortège
de satellites est certainement le plus important de toutes
les planètes du système solaire. Et il ne se passe pas d'année
sans découvrir un petit nouveau ! Au début 2003, les astronomes
dénombraient 40 satellites. En 2006, on en était arrivé
à 60 ! Outre ces satellites, Jupiter est également
doté d'un sytème d'anneaux, quoique infiniment plus ténus
que ceux de Saturne, qui ont été découverts par la sonde spatiale
Voyager 1. Mais anneaux et petits satellites sont pour l'essentiel
invisibles depuis la Terre pour les astronomes amateurs. Il
n'en va pas de même pour Io, Europe, Ganymède et Callisto,
les 4 principaux satellites de Jupiter découverts en 1610
par Galilée

Photo NASA / sondes spatiales Galileo
et Voyager1
Dans les éphémérides,
ces satellites sont désignés par des numéros
en fonction de la proximité de leur orbite par rapport à
Jupiter
Numéro |
Nom |
Magnitude |
Rayon (en km) |
Distance de Jupiter (en km) |
Période sidérale (en jours) |
I |
Io |
6.2
|
1 816
|
421 600
|
1,76914
|
II |
Europe |
6.3
|
1 563
|
670 900
|
3,55118
|
III |
Ganymède |
5.8
|
2 638
|
1 070 000
|
7,15455
|
IV |
Callisto |
6.6
|
2 410
|
1 883 000
|
16,68899
|
Les éphémérides donnent généralement
la position des satellites galiléens de Jupiter sous la forme
du graphique suivant :

Exemple pour février 2003, tiré des éphémérides
de la revue "astronomie
magazine"
La grande bande blanche verticale du milieu correspond au disque
de la planète Jupiter. Les chiffres de gauche correspondent
à chaque journée du mois. Chaque satellite est symbolisé
par une couleur différente. Exemple : pour connaître
la configuration des satellites galiléens dans la nuit du
27 au 28, à 0 H TU, placez-vous juste à la limite
entre les bandes bleues correspondant au 27 et au 28. Vous constatez
alors qu'à gauche de Jupiter se trouvent Callisto et Io,
en rapprochement serré. Et à droite de Jupiter, vous
trouvez Ganymède et, un peu plus loin, Europe. Faites juste
attention à l'inversion de l'image selon que vous utilisez
un télescope ou bien une lunette astronomique, muni ou pas
d'un renvoi coudé pour l'oculaire.
L'observation des mouvements des satellites galiléens est
extrêmement riche et mérite qu'on les décrive
en détail. On parle d'éclipse lorsqu'un satellite
pénètre dans l'ombre de Jupiter.

Schéma ASCT-astronomie / Ph Ledoux
Et il y a occultation lorsque le satellite
passe derrière le disque de Jupiter

Schéma ASCT-astronomie / Ph Ledoux
en 1 : début du passage du satellite devant
Jupiter pour l'observateur terrestre
en 2 : fin du passage du satellite devant Jupiter
pour l'observateur terrestre
en 3 : début de l'occultation du satellite
derrière Jupiter pour l'observateur terrestre
en 4 : fin de l'occultation du satellite derrière
Jupiter pour l'observateur terrestre
en 5 : passage de l'ombre du satellite devant le
disque de Jupiter
L'examen attentif du schéma précédent vous a permis de
noter l'existence de 2 autres phénomènes : les passages d'un
satellite devant le disque de Jupiter ...

... ainsi que les passages de l'ombre d'un satellite sur
le disque de Jupiter.

Leurs périodes de révolution s'échelonnant entre 1 j 18
h pour Io, le plus proche de Jupiter, et 16 j 16 h pour Callisto,
le plus lointain, il est bien rare de ne pas assister en une
nuit au passage ou à l'occultation de l'un des 3 satellites
les plus proches de la planète géante. Sur la photo ci-dessous,
on distingue à la fois les taches noires des ombres de Callisto,
Io et Ganymède ainsi que, bien que plus difficilement, le
petit disque clair d'un satellite passant devant Jupiter

Les phénomènes des satellites galiléens sont désignés
dans les éphémérides par quelques abréviations qu'il faut
apprendre à déchiffrer :Eclipse : le satellite passe dans
l'ombre de Jupiter
Ec |
= commencement de l'éclipse |
Ef |
= fin de l'éclipse |
Occultation : le satellite passe derrière le disque de
Jupiter
Imm |
= immersion, disparition du satellite |
Em |
= émersion, réapparition du satellite |
Passage : le satellite passe devant Jupiter
Pc |
= commencement du passage du satellite devant Jupiter |
Pf |
= fin du passagedu satellite devant Jupiter |
Passage d'ombre : l'ombre noire du satellite passe sur
le disque de Jupiter
Oc |
= commencement du passage de l'ombre |
Of |
= fin du passage de l'ombre |
"Nous avons mis en ligne une
magnifique animation de la danse des satellites de Jupiter
réalisée par Wes Higgins, où l'on voit Io émerger, à droite
de l'image, de l'ombre de Jupiter avant de passer devant
la bordure de Ganymède pendant que son ombre court sur
les nuages de l'atmosphère jovienne, juste en-dessous
de la Grande Tache Rouge. Simultanément, l'ombre noire
de Callisto traverse également le disque de Jupiter dans
le coin supérieur gauche de l'image, mais Callisto lui-même
est en dehors du champ de l'animation". |
 |
Les phémus :
Les phénomènes mutuels des satellites galiléens sont infiniment
plus rares : ces phénomènes ne se produisent qu'une fois tous
les 6 ans. Cette fois, ce sont les lunes de Jupiter qui jouent
à cache-cache entre elles, s'occultant et s'éclipsant mutuellement.
Les orbites de Io, Europe, Ganymède et Callisto ne sont que
très peu inclinées sur le plan de l'équateur de Jupiter. Pendant
les 12 années que dure la révolution de Jupiter autour du
Soleil, La Terre et notre étoile sont au-dessus de ce plan
durant 6 ans d'affilée :

Schéma ASCT-astronomie / Ph Ledoux
Et durant les 6 années suivantes, la Terre se trouve au-dessous
du plan des orbites des satellites de Jupiter :

Schéma ASCT-astronomie / Ph Ledoux
Mais une fois tous les 6 ans, le Soleil et la Terre traversent
très exactement le plan de l'équateur de Jupiter : nous voyons
alors les orbites des satellites de Jupiter par la tranche

Schéma ASCT-astronomie / Ph Ledoux
Ce n'est qu'à ce moment que l'observateur terrestre peut
voir les phémus des satellites galiléens de Jupiter : on peut
alors observer, pour un même couple de satellites, une éclipse
suivie ou bien précédée d'une occultation à quelques heures
ou quelques minutes d'intervalle

Schéma ASCT-astronomie / Ph Ledoux
pour l'astronome terrestre, IV est ici éclipsé
par III et I est occulté par II
Les prochains phémus ont lieu de décembre 2002 à juin 2003,
durant les mois précédant et suivant l'opposition de 2003.
Deux satellites peuvent alors être alignés avec la Terre :
le premier entre dans le cône d'ombre du second et il y a
éclipse.

Schéma ASCT-astronomie / Ph Ledoux
De même, lorsqu'un satellite passe derrière un autre satellite,
il y a occultation. Attention : rapprochement n'est pas phému
! Les astronomes ne parlent de phému que lorsqu'il y a contact
entre les 2 satellites. Il ne faut donc pas confondre un phému
avec un rapprochement de satellites, même très serré

Schéma ASCT-astronomie / Ph Ledoux
Avant une occultation, on voit les 2 satellites se rapprocher
de plus en plus pour finir par ne former qu'une seule tache
lumineuse, avant de se séparer à nouveau. Lors d'une éclipse
ou d'une occultation mutuelles, la courbe de lumière décroit
au moment du phému pour atteindre un minimum avant de réaugmenter
une fois le phému terminé. La luminosité du phému est appelée
"grandeur" par les astronomes et elle est exprimée en %, une
grandeur de 100 % correspondant à une éclipse ou une occultation
totale. La durée d'un phému est généralement de l'ordre de
quelques minutes.
Les caméras CCD des astronomes amateurs, ainsi
que leurs webcams, sont tout à fait capables d'enregistrer
et de mesurer ces variations de luminosité. Le phénomène
est bien visible sur l'animation
ci-jointe, réalisée à Tahiti par Jean
Paul Lonchamps (460 Ko) |
 |
L'analyse de la courbe de lumière permet même d'avoir
des renseignements sur la diffusion de la lumière par le
satellite et donc sur la nature de son sol.

Courbe de lumière de l'occultation partielle
de Ganymède par Callisto le 12 juillet 1985
diagramme tiré du livre "astronomie le
guide de l'observateur" édité par la Société d'Astronomie
Populaire
La précision de l'observation d'une éclipse d'un
satellite par l'ombre de Jupiter est de l'ordre de 0,2 secondes
d'arc, ce qui fait quand même une marge d'erreur de l'ordre
de 750 km : la dispersion de la lumière par l'épaisse
atmosphère de Jupiter ne permet pas d'atteindre une meilleure
précision. Les phénomènes mutuels concernant
les satellites eux-mêmes ne sont pas gênés par
ce paramètre puisque ces satellites ne possèdent pas
d'atmosphère : l'occultation ou l'éclipse d'un satellite
par un autre est un phénomène infiniment plus tranché
que sa disparition dans l'ombre de Jupiter ou bien son passage devant
le disque jovien.
Les campagnes d'observation des phémus permettent ainsi de
calculer la position des satellites galiléens avec une marge
d'erreur de l'ordre de la centaine de kilomètres seulement.
Quand on sait que Jupiter se trouve au moment de son opposition
à une distance de 600 millions de kilomètres de la Terre,
vous apprécierez la performance ! Les astronomes professionnels
organisent donc tous les 6 ans des campagnes internationales
d'observations de ces phémus (la dernière a eu lieu
en 2003) et font appel aux astronomes amateurs pour les aider
à collecter un maximum d'observations afin d'affiner au mieux
la connaissance des orbites des satellites galiléens. De cette
connaissance dépend le plein succès des missions des sondes
spatiales envoyées vers Jupiter. Les éphémérides donnent les
phémus sous la forme d'abréviations qu'il faut savoir décrypter
:
2 OCC 3 |
= le satellite II (Europe) occulte le satellite III (Ganymède) |
2 OCC 3 P |
= le satellite II (Europe) occulte le satellite III (Ganymède)
de façon partielle (P) |
2 ECL 4 T |
= le satellite II (Europe) éclipse totalement (T) le
satellite IV (Callisto) |
2 ECL 4 A |
= éclipse annulaire (A) de Callisto par Europe |
2 ECL 4 P |
= éclipse partielle (P) de Callisto par Europe |
2 ECL 4 |
l'absence de précision signifie que l'éclipse
de Callisto par Europe est rasante |

La hauteur du Soleil et de Jupiter est ici donnée pour les
villes situées sur la latitude de Paris. Les heures sont données
en Temps Terrestre (TT). Il faut en retrancher un peu plus
d'une minute pour convertir l'heure des phémus en Temps Universel
(TU) car il faut tenir compte de la vitesse de rotation de
la Terre autour de son axe. Enfin, il faudra ajouter à cette
heure en TU une heure pour obtenir l'heure légale d'hiver,
telle que la donne l'horloge parlante. Et à partir du 30 mars,
c'est deux heures qu'il faudra ajouter afin d'obtenir l'heure
légale d'été. Un peu tordu ... mais c'est ainsi : l'astronome
parle en TU, le spécialiste de la mécanique céleste en TT,
et Monsieur Toulemonde en heure légale d'été ou d'hiver. La
liste complète des phémus est disponible sur le site
Internet de l'Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des
Ephémérides.
Et si vous souhaitez participer à cette campagne PHEMU, contactez
ses organisateurs à l'adresse suivante : phemu@imcce.fr

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